Rangoun (Birmanie) – La junte militaire birmane a lancé dimanche des élections législatives, présentées comme un pas vers la réconciliation nationale. Toutefois, cet événement survient près de cinq ans après le coup d'État qui a plongé le pays dans une guerre civile intense. Les experts voient en cette manœuvre une tentative de légitimer le pouvoir militaire, alors qu'Aung San Suu Kyi, ancienne cheffe du gouvernement civil, se trouve toujours derrière les barreaux.
Critiquée par de nombreux pays et l'ONU, cette élection devrait s'étendre sur un mois, mais elle est marquée par une vague de répression envers toute forme d'opposition. La Birmanie, avec ses 50 millions d'habitants, vit une crise profonde, où le scrutin se tient dans des zones où règnent les rebelles. "Les militaires cherchent à donner une façade démocratique à leur prise de pouvoir", a déclaré un habitant de Myitkyina, illustrant le désintérêt général.
Min Aung Hlaing, le chef de la junte, a partagé que ce scrutin était une opportunité de réconciliation tout en affirmant que l'armée continuera à jouer un rôle politique prépondérant. Dans un pays où l'armée a été au pouvoir pendant la majorité de son histoire, la situation semble désespérée. L'optimisme généré par une décennie de réformes s'est évanoui après que Suu Kyi a remporté les élections de 2020, provoquant la colère des militaires qui ont alors justifié le coup d'État par une prétendue fraude électorale.
Aung San Suu Kyi, aujourd'hui emprisonnée pour des accusations allant de la corruption à la violation de règles sanitaires, n'a guère d'espoir sur cette nouvelle élection. "Elle ne considérerait pas ces élections comme significatives", a déclaré son fils Kim Aris depuis le Royaume-Uni.
Malgré les efforts de la junte, la désillusion reste palpable. Environ 90 000 personnes auraient perdu la vie dans ce conflit, et la guerre a causé 3,6 millions de déplacés, laissant la moitié de la population vivre sous le seuil de pauvreté, selon des rapports de l'ONU. De nombreux opposants au régime s'engagent dans des luttes armées, tandis que les enjeux de ce scrutin sont de plus en plus remis en question. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a exprimé son scepticisme, affirmant qu'il paraît peu probable que ces élections apportent une solution aux problèmes de la Birmanie.
Des analystes estiment que pour retrouver la paix, le pays doit privilégier le dialogue plutôt que d'organiser une élection controversée. "Il existe d'autres voies pour établir la paix, mais la junte semble déterminée à maintenir sa mainmise", a commenté Zaw Tun, un membre de l'opposition.







